Arcom : de gros chantiers en perspective
Par essence, les pratiques évoluent rapidement dans le domaine du numérique. Plutôt que de jouer au chat et à la souris avec les pirates internet, l’État a décidé de moderniser son dispositif de lutte anti-piratage. Face à l’ampleur de la tâche, il faut espérer que cette nouvelle instance se montrera à la hauteur.
Hadopi et CSA : l’heure du bilan
À l’heure de sa fusion avec le CSA (programmée en 2021), on ne peut pas dire que les actions d’Hadopi aient particulièrement transformé le numérique. Après plus de 10 ans de service, force est de constater que l’ancien gendarme d’internet s’est essentiellement contenté d’avertir les contrevenants plutôt que de vraiment réguler un phénomène de piratage en plein essor.
Un constat décevant pour Hadopi
En 10 ans, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) a envoyé près de 3 000 avertissements pour une centaine de condamnations seulement.
Du côté du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel), il ne fait aucun doute que les missions de l’organisme, notamment en matière de droit d’auteur et de censure, outrepassent déjà largement le seul cadre de l’audiovisuel. De ce fait, il n’est pas aberrant que ces deux entités, aux champs d’actions conjoints, soient aujourd’hui regroupées sous une seule bannière.
L’Arcom devra éviter les écueils d’Hadopi
La ligne du gouvernement est claire, pas question de réitérer l’échec d’Hadopi en créant un organisme de régulation trop rigide qui serait incapable de suivre les évolutions des techniques de téléchargements illégaux toujours plus poussées.
L’Arcom aura donc pour mission de lutter contre le streaming illégal sous toutes ses formes comme notamment :
- Les sites référençant des liens pirates
- L’IPTV (télévision diffusée sur un réseau utilisant l’Internet Protocol)
- Les téléchargements directs (HTTP)
Les principales missions de l’Arcom
Pour lutter contre le piratage sous toutes ses formes, l’Arcom pourra s’appuyer sur un dispositif moins monolithique que celui d’Hadopi. Outre le piratage, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique aura notamment pour missions de combattre les fake news et le cyberharcèlement.
Un rôle d’avertisseur
Comme pour Hadopi, l’Arcom commencera par prévenir les contrevenants par mail afin que ces derniers régularisent leur situation.
Au-delà du mail envoyé dans la boîte des fournisseurs d’accès à internet (que peu d’internautes utilisent), l’organisme pourra envoyer un mail directement dans les boîtes personnelles des individus (Gmail, Outlook, Yahoo, etc.)
Reste à espérer que le courrier en question ne sera pas redirigé vers les spams voire immédiatement détruit par les boîtes mails.
Saisir l’Arcom par constat d’huissier
Grande nouveauté de la structure, il sera désormais possible de saisir cette autorité des communications par simple constat d’huissier réalisé à la demande d’un ayant droit. Cela permet plus de réactivité dans les actions menées par l’Arcom qui n’aura pas à attendre l’aval d’un quelconque organisme.
Liste des organismes pouvant saisir l’Arcom
Initiateur riposte | HADOPI | ARCOM |
---|---|---|
Organismes gestion collective (ex SACEM) | OUI | OUI |
CNC | OUI | OUI |
Organismes de protection professionnels (ex ALPA) | OUI | OUI |
Huissier (sur demande d’un ayant droit) | NON | OUI |
Procureur de la République | OUI | OUI |
Une action de prévention simplifiée
Alors qu’Hadopi devait dresser un inventaire complet des moyens de sécurisation à destination des internautes (mission abandonnée très tôt en raison de l’ampleur intenable de la tâche), l’Arcom devra œuvrer plus simplement.
Effectivement, la nouvelle instance ne devra pas lister la totalité des actions de sécurisation, mais uniquement donner des “informations utiles […] permettant de prévenir les manquements”. Une tâche simplifiée au maximum pour plus de clarté.
Un outil de surveillance de Youtube, Dailymotion, etc.
L’époque où Internet était un terrain totalement libre en marge de la législation est révolu pour le meilleur et pour le pire. Toujours dans sa lutte contre le piratage, l’Arcom entend mettre à contribution les grandes plateformes comme Youtube en les forçant à préciser annuellement :
- Les mesures mises en œuvre pour lutter contre le piratage
- Le déploiement et le bilan de ces actions
- Les détails de la collaboration avec les titulaires de droits
Le cas échéant, le nouveau programme devra établir des recommandations pour améliorer les efforts de ces sites. Toutefois, à ce jour il semble que l’Arcom ne possèdera aucun moyen pour imposer aux plateformes de faire des efforts.
Lister et exposer les sites pirates
En exposant une liste des sites pirates condamnés pour avoir porté atteinte aux droits d’auteur de façon répétée et à dessein, l’Arcom a une double mission. Dans un premier temps, il s’agit simplement d’informer les internautes (individus, organismes publics, entreprises, associations, etc.).
Dans un second temps, ce dispositif vise surtout à faciliter les accords de protection entre les ayants droit et les intermédiaires de paiement ou de publicité. Cela permettra de mettre en cause les hébergeurs contrevenants au profit de ceux qui respectent la législation.
Des agents de l’Arcom sous couverture
L’innovation phare du texte de loi entérinant la fusion entre le CSA et Hadopi est sans conteste la création d’une cellule d’agents chargés de constater les faits de contrefaçon ou la fourniture d’un dispositif de contournement d’une mesure technique de protection (la vente de box IPTV illégales).
Pour mener leur mission à bien, ces agents auront l’autorisation de travailler sous couverture sur les forums et les messageries afin de débusquer les fraudeurs.
Bien évidemment, la liste des missions dévolues de l’Arcom est encore longue (bien qu’il faille attendre la promulgation de la loi sur l’audiovisuel pour avoir une idée définitive). Pour retrouver l’intégralité des tâches de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique n’hésitez pas à cliquer ici.
Commentaires