Une fable intemporelle
Sorti sur les écrans en 1997 (déjà 22 ans !), et pourtant toujours solidement ancré dans la culture populaire, le film d’animation « Princesse Mononoké » est l’œuvre cinématographique qui propulsera son créateur Hayao Miyazaki au rang de maître de l’animation au Japon, et fera du studio d’animation Ghibli une référence à l’internationale.
En 2h14, le film nous envoie au Japon, à l’ère Muromachi (entre 1336 et 1573), durant laquelle les hommes livrent une terrible guerre tant à leurs congénères autant qu’aux anciens dieux de la forêt.
Synopsis
Le jeune prince Ashitaka est sous le coup d’une terrible malédiction après avoir défendu son village et sa tribu contre l’attaque d’un ancien dieu changé en démon. Condamné, il suit les conseils de la chamane et remonte la piste de la créature abattue pour connaître l’origine de cette folie furieuse qui l’aura corrompue et qui le corrompt désormais lui-même lentement, dans l’espoir de trouver un remède.
Le prince parvient jusqu’à une région reculée où la forêt est encore sauvage, protégée par les dieux qui la peuple sous forme de gigantesques animaux. Mais cette forêt subit les assauts des hommes qui, avides des richesses minières dormant dans son sol, abattent les arbres et les bêtes. Ashitaka fera alors la connaissance de Dame Eboshi, à la tête du village des forges qui tente de prospérer en chassant les anciens dieux, ainsi que de San, la princesse Mononoké élevée par la tribu des loups, qui souhaite chasser tous les humains pour la préserver les montagnes et sauver le Grand Esprit de la forêt.
Dans cette histoire où l’homme et la nature s’affrontent de toutes leurs forces, le protagoniste tente par tous les moyens d’éviter l’escalade du conflit, prônant l’harmonie entre les humains et les dieux sans nécessité de dominer l’autre pour survivre et prospérer. Un message qu’aucun des deux camps ne semble vouloir entendre.
Pourtant, aucun des protagonistes n’est réellement mauvais. S’il l’on est tenté de voir Dame Eboshi comme une femme cruelle qui ne pense qu’à la richesse que la montagne peut lui apporter, il ne faut pas oublier qu’elle est aussi une femme indépendante qui ne se laisse pas diriger par les traditions.
À ce titre, elle recueille des filles dans les maisons de passe pour leur offrir une vie plus sûre, un travail à la forge et les forme même à manier l’arquebuse. Elle offre également l’asile à des lépreux, qu’elle traite avec respect et compassion, les employant eux aussi à la fabrication de nouvelles armes.
Quant à San, que l’on associe spontanément à un personnage bon puisqu’elle protège la nature et aide Ashitaka en lui sauvant la vie, elle est animée d’une grande haine envers les humains. Elle et les loups de sa tribu n’hésitent pas à attaquer sans relâche le village ou les convois, tuant des innocents sans hésitation.
Bien qu’élevée par la déesse Moro parmi les loups, la princesse Mononoké est aussi une humaine. Pourtant elle se défend de l’être tant elle considère tous les hommes sans distinction comme des êtres maléfiques. Bien qu’elle sache que la colère aveugle soit la principale cause de la corruption des dieux, elle ne parvient pas à se défaire de la sienne alors même que Dame Eboshi fini par réaliser que le conflit est vain et souhaite alors vivre en paix avec la forêt.
SPOILER !
La fin du film est douce-amère : après avoir rendu au Grand Esprit la tête que Dame Eboshi lui avait tranchée, San et Ashitaka assistent impuissants à la disparition de ce grand protecteur de la forêt. Dans sa mort, le dieu reverdit toute la montagne, y comprit le village qui avait été détruit, comme un cadeau aux hommes et aux esprits ayant survécu. C’est une seconde chance pour tous et l’occasion de réaliser que si la nature doit nécessairement faire une place à l’homme, ce dernier doit la respecter et la protéger s’il ne souhaite pas lui-même être détruit.
Porter sur le monde un regard sans haine
Contrairement à de nombreuses œuvres, le film « Princesse Mononoké » ne cherche pas à culpabiliser les hommes de vouloir s’établir et exploiter les richesses de la nature. Après tout, le genre humain aussi a le droit de vivre sur cette terre. Mais il faut apprendre à exploiter sans détruire, à prélever sans excès et respecter notre environnement.
Il y a déjà plus de 20 ans, Hayao Miyazaki encourageait à travers son art à ce que les sociétés prennent conscience de l’absurdité dans leur façon de traiter la planète. Un message très explicite qui était déjà le centre d’un de ses longs métrages sorti en 1984, « Nausicäa de la vallée du vent ».
Il semble qu’aujourd’hui enfin l’on réalise que notre avenir est intimement lié à la vie animale et végétale, mais les rapports scientifiques sont alarmants : contrairement au village des forges qui a la chance de pouvoir reprendre un mode de vie plus sain, pour nous il est peut-être déjà trop tard pour cesser de faire la guerre à notre propre monde.
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